Le patrimoine mémoriel des guerres
22100
Conflits commémorés
Type de monument
Caractéristiques

1914-1918
-
AUX ÉLÈVES
DU
COLLÈGE
MORTS
POUR
LA FRANCE
-
À LA MÉMOIRE DE NOS CAMARADES MORTS POUR LA FRANCE
PENDANT LA GUERRE 1939-1945 ET DEPUIS 1918
SUR LES THÉÂTRES D'OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
-
CE MONUMENT A ÉTÉ ÉRIGÉ
LE 2 AVRIL 1922
PAR
L'ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES
-
Docteur François BENOIST Président

A---
G---
M---
1914-18

ADAM
D. BEAUMANOIR
J. BEREST
M. BORDAIS
H. BRISEBARE
M. CHAUVEL
J. CHAUVEL
J. CHERUEL
M. COCAULT
J. CONAN
Y. CORSEUL
F. DAGORNE
A. DAGORNE
J. DANNIO
F. DARRE
-
C. DAVID
R. DAVID
E. de BERDOUARE
Y. DELON
F. DEVAUX
H. DOUBLET
Ch. DOUBLET
L. EGLIN
P. ESNAULT
L. FOLLEN
V. FOURNERIE
E. GAUTIER
P. GEFFROY
A. GERAULT
J. GLEYO
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A. GOMBAULT
GORTAIS
A. GUILLARD
H. HANELA
L. HARDY
L. HAUTIÈRE


F. HERVY
C. HEUX
A. HINAULT
R. HUEL
G. JOSSE
A. JUNGNE
LAMY
Ch. LANGLAIS
C. LAURENT
-
LELAIN
G. LHOTELLIER
G. LEBOUDER
F. LEBRET
H. LEBRIGANT
C. LEBRUN
M. LECAINEC
F. LEFORT
J. LEFORT
G. LEJEUNE
A. LEMOINE
P. LEQUÉRET
V. LEROY
R. LESTRADE
A. LERIGOLEUR
A. GUERLAVA
-----
J. MACÉ
A. MACÉ
Ch. MAHÉ
D. MARTIN
Ch. MINIAC
L. MOISAN
L. NÉERMANN
A. OLLIVIER
M. OLLIVIER
E. OLLIVIER
V. PEIGNÉ
J. PERROT
F. PICHARD
M. PIGEON
J. PLÉVEN
-
J. PLUET
P. POSTEL
C. RENAUD
C. ROBERT
A. ROUVIN
A. ROUVRAIS
C. ROUVRAIS
E. ROUZAUT
M. SAMSON
T. SAVARY
F. SAVARY
J. SCHULTZ
Ch. THOMAS
VERRY
H. VILLANDRE



Localisation

Collège Roger Vercel, 12, rue de Lehon


Historique du monument

1919

Décision d'érection

samedi 4 octobre 1919

Le 4 octobre 1919, le Comité décide qu’un monument de granit sera érigé dans le jardin qui se trouve devant l’entrée du Collège, pour honorer nos glorieux morts de la Grande Guerre. Il décide, en outre, l’étude et la création d’un Livre d’or contenant tous les « morts au champ d’honneur », ainsi que ceux cités à l’ordre du jour. A cet effet, deux sous-commissions sont nommées.

Bulletin de l’Amicale 1922

1920

Financement

samedi 31 juillet 1920

Situation au 31 juillet 1920

Dépenses Monument aux morts

  • Facture Lorre, entrepreneur 5 562,25 Fr
  • Divers 152,15
  • Frais d’inauguration 273,75

Total 5 998,15

Bulletin de l’Amicale 1922

1921

Marché de gré à gré

samedi 15 octobre 1921

Samedi 15 octobre 1921 : Le Comité traite avec M. Louis Lorre, de Saint-Solen, pour la fourniture et la pose du monument qui sera inauguré en avril 1922.

Bulletin de l’Amicale 1922

1922

Inauguration

dimanche 2 avril 1922

Le Dimanche 2 avril 1922 a eu lieu au Collège communal de Dinan l'inauguration du monument élevé dans la cour d'honneur de l'établissement, à la mémoire des élèves et anciens élèves morts pour la Patrie pendant la guerre 1914-1918. Ce monument se compose tout simplement d'une stèle de granit surmontant un piédestal sur lequel sont gravés les noms des 92 héros morts pour la Patrie.

Il est dû au fin ciseau de M. Lorre, de Saint-Solen, qui a admirablement réalisé ce qui lui était demandé.

A 9 heures et demie, la vieille chapelle du Collège était emplie d'une foule énorme venue assister à la cérémonie religieuse que présidait M. le chanoine Cotrel, curé-archiprêtre de Saint-Sauveur.

Pendant la messe, que célébra M. l'abbé Dujardin, aumônier du Collège, M. Levay fit apprécier sa très belle voix de baryton, pendant que M. Arscott tenait l'harmonium. L'on remarqua surtout les admirables vers de Victor Hugo :

Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie, etc...

mis en musique par M. Arscott et chantés avec une prenante émotion par M. Levay.

Avant l'absoute, M. l'archiprêtre Cotrel prit la parole, paraphrasant avec cette éloquence simple, mais qui va droit au cœur, qui lui est coutumière, ce mot d'ordre des grands morts : « Devoir, Prière. »

Le « devoir », ils l'ont accompli ; à nous d'accomplir le nôtre, mais surtout ne ménageons pas nos prières à ceux-là qui surent si bien mourir.

Sous une pluie battante, la messe terminée, la foule se rendit devant le monument, qu'entouraient des drapeaux, et sur le socle duquel avait été déposée par un « Ancien » une superbe gerbe d'œillets et de mimosa.

Remarqués dans l'assistance : MM. Moyon, sous-préfet ; Jouanin, maire ; Doublet, adjoint, et le Conseil municipal ; colonel Oré, commandant d'armes ; Lehuérou-Kérisel, président du Tribunal ; Pinot, procureur de la République ; Astier, juge d'instruction ; Lainé, inspecteur primaire ; le Comité des Anciens Elèves du Collège ; Docteur Chambrin, conseiller général, maire de Plancoêt, etc., etc...

Ajoutons que l'Association des Anciens Elèves du Collège, désireuse de donner à la cérémonie un caractère strictement intime et familial, n'avait envoyé aucune invitation officielle.

La musique municipale, qui s'était offerte spontanément, prêtait son concours, ainsi que les tambours et clairons des sapeurs-pompiers.

Après un entraînant pas redoublé, M. le Docteur Benoist, Président de l'Association, fit l'appel des 92 noms des Anciens Elèves morts pour la Patrie. A chaque nom, le jeune Valentin, fils d'un professeur mort, lui aussi pour la France, répondait : « mort au champ d'honneur. »

Voici la trop longue liste :

MM. Adam, Beaumanoir Henri, Bérest Jean, Bordais Marcel, Brisebare Henri, Chauvel Marcel, Chauvel Joseph, Chéruel Jules, Cocault Maurice, Conan Joseph, Corseul Yves, Dagorne Francis, Dagorne Albert, Dannic Jules, Darré Edmond, David Célestin, David Roger, de Berdouaré Edouard, Delon Yves, Devaux Francis, Doublet Henri, Doublet Charles, Eclin Louis, Esnault Pierre, Follen Louis, Fornerie Vincent, Gautier Edouard, Geffroy Paul, Gérault Aurèle, Gléyo Jean, Gombault Auguste, Gortais, Guillard Alexandre, Heurtel Adolphe, Hanela Henri. Hardy Léon, Hautière Léopold, Heux Georges, Hinault Aristide, Huel Raphaël, Josse Gaston, Jungué Louis, Lamy, Langlais Charles, Laurent Camille, Lelan, Lhotellier Georges, Lebouder Jean, Lebret François, Lebrigant Henri, Lebrun Charles, Le Caïnec, Lefort François, Lefort Joseph, Lejeune Gaston, Lemoine Alfred, Lequéret Pierre, Leroy Victor, Lestrade Robert, Lerigoleur Adrien, Macé Isaïe, Macé Adolphe, Mahé Charles, Martin Octave, Miniac Charles, Moisait Léonard, Néerman Louis, 0llivier Auguste, 0llivier Maurice, 0llivier Eugène, Peigné Victor, Perrot Jean, Pichard Françis, Pigeon Marie-Ange, Pléven Jean, Pluet Jean, Postel Paul, Renaud Georges, Robert Georges, Rouvin Alexandre, Rouvrais Auguste, Rouvrais Georges, Rouzault Emile, Samson Marie-Ange, Savary Théophile, Savary Ferdinand, Schultz Julien, Thomas Charles, Verry, Villandre Henri.

Puis M. le Docteur Benoist prononça l'admirable discours suivant :

Appel désespérant de silence et de vide... Pas un d'entre eux n'a répondu.

Les murs de notre Collège, hier encore témoins impassibles, échos retentissants de leurs ébats bruyants, turbulents et joyeux, prennent, à ce mutisme poignant, sur leurs façades impassibles et vieillies, des airs de consternation et de stupeur.

Fini, anéanti, prématurément mort, tant de jeunesse, tant de vigueur, tant de gaieté, tant de vie, tant de vitalité.

C'est qu'aux jours sombres d'août 1914, aux clochers altiers des cités, aux humbles campaniles des bourgades paisibles, par le bronze des carillons de fête et des glas de la mort, d'une voix puissante et pressante, en un tocsin aigu et grave, impérieux et sinistre, montant de la plaine jusqu'aux monts et des monts jusqu'au ciel, comme pour en rappeler tous ses morts, la France implorait le secours des meilleurs, des plus forts de tous ses enfants.

Chèrement, convulsivement étreints par les pères, mouillés de larmes sacrosaintes par les mères, les petits sont partis.

Le Prussien, de funèbre mémoire, race de proie, fléau de l'humanité pacifique, de ses mains rouges encore du sang de nos pères, déchirait le parchemin sacré des traités ; de sa botte brutale, encore fangeuse de la boue des violations de notre sol, piétinait, écrasait l'honnêteté, la dignité, l'honneur.

Et les fils des soudards et des reîtres, en hordes innombrables renouvelées des Huns, ardents au massacre, savamment, formidablement instruits dans l'art démoniaque de semer partout la terreur et la mort, déferlaient aux frontières violées de la Patrie.

La France, tant convoitée, telle qu'ils la savaient, ne pouvait être pour eux qu'une proie facile.

Ils n'avaient voulu connaître de notre littérature que les aberrations du goût et de la morale.

Ils croyaient nos générations atrophiées, étiolées par la précocité de la débauche, notre pensée paralysée par la tyrannie des sciences positives, emprisonnée dans des formules idéologiques, dans des entités verbales, incapable de réaction, fluctuante, incertaine, laissant le déterminisme de Taine, pour s'enticher du pragmatisme de James, pour s'engouer de l'intuitivisme de Bergson.

Ils croyaient notre sens critique aiguisé jusqu'à la sécheresse, notre candeur naïve jusqu'à la pauvreté.

Ils nous croyaient, à la fois, sceptiques et sectaires, inconscients et dogmatiques, impudemment destructeurs et ingénument millénaires.

Ils ne voyaient dans notre armée que les antimilitaristes.

Ils affirmaient notre cœur impuissant, notre âme inaccessible aussi bien à la brutalité de l'instinct qu'à l'austérité de l'idée.

Méconnaissance coupable ! Ignorance justiciable du châtiment ! Ils ne savaient pas que la force spirituelle de la France se régénérait par le fer et par le feu !

Les tueurs de Germanie, le couteau aux dents, sanguinaires, implacables, se ruèrent sur la bergerie française.

Mais, au lieu de moutons bêlants, rêvant aux douceurs émollientes de l'Arcadie, résignés aux exterminations de l'abattoir, ils ne trouvèrent sous leurs poignards d'égorgeurs que des tigres et des lions.

Sur un front de bandière de presque 900 kilomètres, opposant à l'envahisseur le rempart infranchissable et infrangible de leurs poitrines, les Français luttèrent. Impétueux, fougueux, irrésistibles dans l'attaque, opiniâtres, tenaces, irréductibles dans la résistance, bravement fous et follement braves, teintant de leur sang les rivières françaises, arrosant les marécages de l'Yser, les plaines crayeuses de Champagne, l'argile grise de Woëvre, offrant leur vie partout où vrombissait la mort, soldats du droit, poilus de la France et champions de l'Humanité, ils fixaient la victoire.

Par eux, par eux surtout, triomphaient la civilisation sur la barbarie, la liberté sur l'esclavage, la bonne foi sur le parjure.

Mais, hélas ! les champs de l'héroïsme ne sont plus que cimetières sans nombre. Des croix à l'infini marquent l'immensité cruelle du sacrifice. Dans leur chape de glaise, nos camarades dorment leur dernier sommeil.

Certains qui sont partis, séduits par les chants de sirène de la brise du large, répondant au rappel incessant battu par la vague sur le granit des falaises bretonnes, gisent, sans cercueil, aux abîmes des mers lointaines.

D'autres, épargnés par la mitraille, dorment près de nous. Epuisés, minés par la fatigue et par le mal, ils ont, d'un pas chancelant mais résigné, gravi le calvaire abrupt des ultimes souffrances. Ils sont morts au lit d'honneur.

C'est, indistinctement, à tous ces braves, que nous avons connus petits et qui sont entrés si grands dans l'Immortalité, que nous apportons, aujourd’hui, affectueusement, d'un même cœur, d'une même âme, le tribut attristé de notre admiration.

«tant pis qui tombe, La mort n'est rien... »

Non, pour ceux qui s'en vont. Elle est cruelle pour ceux qui restent.

Une émotion profonde nous étreint. Nous savons que, parmi nous, venus pour magnifier la mémoire des héros morts, plusieurs de nos camarades lisent, gravé dans la pierre, à travers des larmes que le temps ne tarira jamais, le nom adoré de leur fils. Dans le soldat nimbé de gloire, ils ne voient plus que leur enfant. Espoirs si doucement caressés, rêves d'avenir, consolation et soutien escomptés des vieux jours, tout cela s'est effondré, anéanti sur le malheur inexorable d'une tombe ! Respect à tous ceux-là ! Ils sont des grands blessés de la Grande Guerre.

Notre affliction n'oublie pas les mères. « Maman I » le premier balbutiement dans les dentelles du berceau au matin de la vie, le dernier cri du soldat mourant, au soir des batailles.

« Les femmes vaillantes sont mères de héros », a dit Michelet.

Les soldats font la guerre. Les femmes font les soldats.

Honneur chèrement acheté du plus pur de leur cœur et de leur sang, payé du sacrifice de la chair de leur chair. Depuis Hécube et Rachel, à travers les siècles, sanglote la douleur des mères.

Les pères, les mères, les veuves, les orphelins ! Rançon terrible de la gloire ! Il n'est pas à leur douleur inconsolable d'atténuation consolatrice.

Monsieur le Maire,

J'ai l'honneur, au nom de l'Association des Anciens Elèves du Collège, de vous remettre, respectueusement, ce mausolée sommé des emblèmes de la reconnaissance de la Patrie.

Il a les proportions de nos ressources. Mais est grand de la piété affectueuse qui nous l'a inspiré. Il est grand, surtout, de la grandeur de ceux qui l'ont mérité.

La France, à l'Arc de Triomphe, honore national, mondial, un soldat inconnu. Tous les nôtres sont connus. L'assonance de leurs noms vous dit que beaucoup sont enfants de Dinan. Les autres ne sont pas éloignés de nos cœurs.

Ils sont fils de la Bretagne, ils sont fils de la terre de granit qui donne au genêt son éclat, à l'ajonc sa rudesse. Ce sont des gâs de chez nous.

Monsieur le Principal,

Nous vous donnons avec confiance, la garde de notre monument, en votre cour d'honneur.

Les jeunes, par vos soins, y puiseront des impressions salubres et salutaires.

Formés aux leçons de maîtres dont beaucoup ont payé de leur vie la beauté de leur exemple, leurs aînés sont morts pour qu'ils puissent vivre.

Ils ont écrit, au Grand Livre de l'Histoire, une épopée digne des rhapsodes.

Ils ont ressuscité la France dans l'apothéose des libertés qu'elle a apprises au monde.

Ils leur lèguent une Patrie libre et fière, à pied d'œuvre, mais saignée à toutes ses veines et à toutes ses artères, avec le grandiose devoir de lui infuser un sang nouveau.

Les temps des prophètes ne sont point révolus. Ceux qui ont tué nos fils et nos frères n'ont point encore de leurs glaives forgé des hoyaux, ni de leurs lances forgé des serpes.

Et si jamais, hélas ! retentissait encore vibrant et strident, l'appel du destin, les jeunes, forts de l'héroïsme de leurs devanciers, l'esprit discipliné, le muscle tendu, le cœur vaillant, accepteraient les mêmes devoirs avec le risque des mêmes sacrifices.

Camarades,

César a dit des Bretons, les seuls adversaires que ses légions n'aient jamais pu réduire : Britanni fortissimi et fidelissimi...

Fortissimi... Ceux d'entre nous qui sont tombés ont étonné le monde par leur force d'âme et leur abnégation.

Fidelissimi... Ceux qui sont restés ne croient pas à la mort de ceux qui ne sont plus. Nous les savons, partout et toujours, invisibles et présents. Ils furent les apôtres et les martyrs de la religion du courage. Ils veulent que nous en soyons — et nous en sommes — les adeptes et les fidèles.

Les morts, les grands morts seuls, n'oublient pas ceux qui les oublient.

Et quand aura disparu le dernier témoin des exploits de leurs phalanges, désormais immobiles, sortis de nos mémoires éteintes, auréolés, vivants, immortels, triomphalement, ils entreront dans l'Histoire.

M. Jouanin, Maire, lui répondit en ces termes :

Monsieur le Président,

Combien est différente de toutes celles qui ont lieu ordinairement, cette cérémonie que vous avez voulue intime, familiale, pour lui conserver le caractère de grandeur et de dignité respectueuse que commande l'importance du sacrifice de ceux que vous venez de magnifier.

En m'y conviant, au nom de l'Association amicale des Anciens Elèves de ce Collège, en me remettant le précieux dépôt qu'une pieuse et délicate pensée vous a incités à ériger, pour exalter ceux de vos camarades morts glorieusement pour la Patrie, vous faites au Maire de Dinan un honneur dont il vous remercie bien sincèrement parce qu'il en apprécie tout le prix.

C'est à sa charge que vous confiez désormais ce monument, placé là en souvenir de ceux qui, comme vous, sont venus ici puiser le bagage littéraire et scientifique avec lequel ils se préparaient à cheminer dans la vie, ou y cheminaient déjà, lorsque retentirent les appels sinistres du tocsin.

Laissez-moi vous louer sans réserve de votre heureux geste et vous assurer de la gratitude du Conseil municipal, de la Ville et des familles de ces malheureuses victimes, la plupart fauchées en plein épanouissement de leur jeunesse, de leur force et de leur ardeur.

L'honneur que vous m'avez fait, Monsieur le Président, et la charge que vous m'avez confiée, j'entends la partager avec ceux qui me semblent tout indiqués et le plus dignes : je veux dire toutes les générations d'élèves qui désormais se succéderont dans cet établissement.

Vous voici, Messieurs, mes chers enfants, investis de la haute fonction de gardiens vigilants de ce symbole du courage stoïque et du martyrologe de vos aillés. Malheur à celui qui voudrait y toucher !

C'est à bon droit, Monsieur le Président, qu'en termes éloquents vous avez rendu hommage à ces héros et à ceux qui les ont dirigés dans la voie du devoir patriotique, aussi nous plaît-il, de nous joindre à vous pour dire à leurs familles toute notre admiration pour le courage dont elles ont fait preuve aux heures cruelles où, le, cœur déchiré par la séparation, elles dissimulaient leur immense chagrin, pour ne plus voir celui qui les quittait qu'avec l'auréole du poilu crâne et brave.

Nous autres Français, nous oublions facilement ; aussi, craignant que l'histoire fût insuffisante pour instruire ceux qu n'auraient pas vécu les événements effroyables de la grande guerre, vous avez voulu la compléter en fixant pour toujours sur cette stèle le nom de tous ceux qu'ils vous ont coûtés et qu'ainsi avertis, chacun de ceux qui y auront perdu soit un père, un frère, un aïeul, sache le devoir qui lui incombe.

Ah ! je sais, Mesdames, Messieurs, combien la réminiscence de ces crimes vous est pénible, combien ils vous ont valu de larmes et combien grande a été l'énergie que vous avez déployée pour surmonter les épreuves qu'ils vous ont infligées, mais vous saviez que l'enjeu de la bataille était une question de vie ou de mort pour la France, et vous la vouliez au lendemain de cette lutte de Titans, belle comme avant les épreuves, belle et libre.

Au milieu du chaos dans lequel nous nous débattons présentement et d'un monde entier en effervescence, vous vous demandez, et non sans raison, ni sans angoisse, si vos espoirs ne sont pas déçus, si nous avons bien la paix et la liberté ?

Quand on voit les efforts généreux et sincères que font en ce moment nos gouvernants pour arracher à grand peine à notre ennemi séculaire, auteur de tous nos malheurs, ce qui est notre dû et notre droit, peut-on vraiment se croire en paix ? et ne vous semble-t-il pas que le seul mot d'ordre qu'on doive écouler avant tout est de n'oublier jamais et de veiller toujours !

Au nom des élèves du Collège, un jeune, M. Romé, de la classe de philosophie, prit comme suit la parole :

Monsieur le Président,

Nous acceptons avec reconnaissance ce monument érigé par nos aînés à la mémoire de nos glorieux camarades.

Il nous rappellera sans cesse l'exemple, laissé par eux, d'amour pour la France, et les devoirs que cet exemple nous impose.

Ils ont succombé pour le pays. Pour lui, nous n'aurons peut-être pas à mourir, mais nous aurons à vivre.

Or, suivre ainsi leur noble trace nous réserve des devoirs à la fois délicats et très lourds.

Ils sont morts pour laisser intact l'idéal français. Nous devrons, par la consécration de notre existence même, maintenir cet idéal dans le monde, non point certes pour la conquête et l’accaparement, mais pour l’élévation commune de tous les hommes.

A nous de faire briller l'intelligence et l’esprit français. A nous surtout de garder bien haut le cœur de la France, ce besoin de bonté, de générosité, de pitié et de dévouement. Nous ne faillirons pas à la lâche, comme nos aînés n'y ont point failli.

Pourrions-nous hésiter ? Il nous suffira de relire ces noms gravés dans le granit breton, pour comprendre noire devoir. Un héroïsme nouveau nous est demandé : consacrer toute la durée de notre existence à notre pays.

Nos aînés ont aimé la France à en mourir ; nous leur promettons de vivre pour elle.

M. Duchâtelet, le distingué Principal du Collège, représentant à la fois et le Collège et l'Université, s'adressa dans les termes suivants à M. le Docteur Benoist

Monsieur le Président,

A la belle et grave promesse que vient de faire, au nom de tous les élèves du Collège, votre jeune camarade Pierre Romé, je tiens à joindre la nôtre, celle de mes collègues et la mienne.

Notre tâche est de faire, de tous ces enfants qui nous entourent, des hommes pour demain. Nos efforts ne tendront pas seulement à éveiller leur intelligence, à cultiver leur esprit, mais à fortifier leur âme et leur corps, les rendre bons, généreux, pitoyables et dévoués.

Ce monument, simple et beau, qui nous est confié, les noms de ces héros, l'exemple fameux qu'ils donnèrent au monde, soutiendront notre énergie et notre ténacité, pour que nous aussi, nous puissions vivre pour la France.

M. Moyon, Sous-Préfet de Dinan, prend le dernier la parole :

En répondant, mon cher Président, à l'invitation que vous m’avez adressée au nom de l'Association des anciens Elèves du Collège de Dinan, j’accomplis le plus doux et le plus ni noble des devoirs.

Je pleure avec vous ceux dont vous commémorez le souvenir auréolé de gloire.

Je salue en même temps, cette Université de France qui, après avoir forgé les générations de la victoire, entretient dans les jeunes âmes le culte de nos traditions et la foi dans les destinées de la Patrie et de la République.

Ce monument, comme tous ceux qui, nombreux hélas ! minent la campagne Bretonne, symbolise les vertus de la race énergique, délicate et sensible sous son écorce rude. Il évoque l’image de cette jeunesse studieuse, orgueil, espoir du pays, respirant la joie de vivre et la gaieté, fauchée en pleine floraison.

« Vous étiez le printemps de l'Université, disait en 1915, Albert Sarraut ; vous êtes maintenant l'orgueil de la Patrie, laissez-moi jalouser votre destin, je n'en sais pas de plus beau. »

Il est un autre destin, c'est la volonté qui le crée, c'est le cœur qui le dirige.

C'est le destin de ceux qui restent, de ceux qui ouvrent, dans cet établissement, leur jeune intelligence a la vie, qui doivent former les générations vaillantes et, laborieuses de demain. S'ils puisent dans le souvenir héroïque de leurs aînés, le vrai sentiment du devoir, il leur faut aussi, sans arrière-pensée, de toutes les forces de leur jeune âme, vouloir et vouloir ardemment, avec la concorde intérieure, l'égalité fraternelle, la solidarité puissante qui font la grande force morale d'un pays.

Ceux qui sont tombés, ont défendu nos libertés si chèrement acquises. A vous de suivre le chemin qu'ils ont tracé de leur sang généreux, en faisant, à votre tour, œuvre d'homme dans la paix que nous voulons durable, en, portant bien haut, face au monde, le drapeau de la France républicaine dont l'idéal peut se confondre avec celui de l'humanité.

Chères familles dinannaises, si cruellement éprouvées, vous qui avez donné au pays le meilleur de vous-même, permettez-moi, au nom du gouvernement, de vous apporter ici l'expression de ma vive gratitude et de tout mon respect. Je garderai précieusement le souvenir de celle heure inoubliable où, dans ce collège, mon cœur a battu à l'unisson du vôtre.

Bulletin 1915-1922

Dernière modification : mardi 24 décembre 2024

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