Le patrimoine mémoriel des guerres

Genèse des monuments aux morts de l’Indre : l’exemple singulier de Châteauroux

Il y a trente ans, dans un chapitre1 de l’ouvrage publié sous la direction de Pierre Nora et consacré aux monuments aux morts comme « lieux de mémoire », Antoine Prost soulignait la rapidité avec laquelle ceux-ci ont été édifiés dans la France entière : ce constat révélait, selon lui, « une évidence contagieuse », « un mouvement populaire profond et large », très sensible dans les villages où beaucoup furent inaugurés avant 1922. L’historien ajoutait toutefois : « Dans les villes, en revanche, le consensus est moindre, l’opinion plus partagée, les monuments, plus complexes, portent des significations parfois contradictoires, et leur réalisation demande plus de temps : on en inaugure encore au début des années trente. »

Nous avons voulu vérifier ces assertions pour le département de l’Indre, un département rural possédant aussi quelques villes moyennes. Une approche rapide et synthétique nous avait déjà permis d’avancer, il y a quelques années, que près des trois quarts d’entre eux étaient déjà en place à la fin des années 20. Cette étude se fondait principalement sur une enquête menée en 1932 par les services de la préfecture de l’Indre auprès des mairies, complétée par de nombreux sondages dans la série 2O des archives départementales. Il restait à examiner le cas, signalé par Antoine Prost, de ces villes où la réalisation d’un monument aux morts fut différée jusqu’aux années 30. Le chef-lieu nous offrait ici un exemple très significatif, puisque Châteauroux inaugura ses deux monuments (celui du département et celui de la ville) en 1932 … et 1937 ! C’est donc l’histoire complexe de ces divers projets, annoncés, débattus, modifiés, retardés dans leur exécution, que nous allons raconter, en essayant d’apporter le maximum de clarté à cette relation où les faits se chevauchent parfois, au gré d’initiatives et de propositions variées. 

1919-1922 - Un premier monument aux morts, celui du Souvenir Français

C’est à la délégation locale du Souvenir Français qu’il faut attribuer l’initiative d’avoir voulu très tôt élever un monument « à la mémoire des enfants de Châteauroux morts pour la France ». Dès 1914 et pendant toute la durée de la guerre cette société très active et qui revendiquait 145 membres2 avait fait célébrer un service religieux hebdomadaire dans l’église Notre-Dame « pour le repos de l’âme des militaires morts au champ d’honneur ou dans les hôpitaux3 ». En 1919 elle souhaitait construire sans tarder un monument, au centre du carré militaire du cimetière Saint-Denis, où ses membres avaient l’habitude de se réunir le 1er ou le 2 novembre4, et dont le cadre s’imposait à ses yeux pour l’organisation de cérémonies placées sous le signe du recueillement et du deuil. Une partie des fonds nécessaires fut réunie à partir de mai 1919 au moyen de collectes et d’une souscription5 ; des demandes de subventions complémentaires furent adressées par le président-délégué du Souvenir Français, Victor Souvay fils, à la ville de Châteauroux et au conseil général6. À la fin du mois d’août, un premier projet semble avoir été déjà élaboré7, mais en novembre la somme recueillie restait encore insuffisante eu égard au coût.

La même année, peu avant les élections, lors des questions diverses clôturant la séance d’un des derniers conseils de la municipalité Courtin (11 août 1919), le conseiller de la minorité, Joseph Patureau-Mirand8 émit un vœu qui allait dans le même sens, en proposant à la ville de se doter d’un monument. Mais pour l’intervenant, qui prenait donc ses distances avec le choix du Souvenir Français, il était nécessaire de l’édifier sur une place publique, au cœur de la cité, pour le rendre visible à tous, et respecter les sensibilités religieuses ou philosophiques de chacun. Voici comment il justifiait sa demande :

… Nos Berrichons ont été largement éprouvés ; notre 9e corps détient le record des morts, il vient bien avant le 20e ; il était partout aux endroits critiques ; nous l’avons vu en Belgique à un moment grave ; jusqu’au jour de l’armistice il donnait son sang. Je crois, messieurs, que le Conseil Municipal s’honorera en votant dès ce soir le principe [d’un] monument qui pourra être érigé face au monument de 1870. Nous avons dans notre pays un artiste d’un talent incontestable ; c’est du reste à lui que nous devons nous en reporter pour l’emplacement à choisir. […] Pour éviter toute discussion confessionnelle et permettre aux catholiques comme aux protestants, francs-maçons, juifs ou libres penseurs d’être en contact journalier avec ce monument-souvenir, ce monument devra être sur une place publique.9

Le conseil municipal se rangeait à l’unanimité à cette proposition ; le sculpteur berrichon Ernest Nivet (1871-1948), dont le nom avait été suggéré à demi-mots par Joseph Patureau-Mirand, était désigné pour mener à bien l’exécution de l’œuvre. Si les circonstances d’une fin de mandat ne se prêtaient pas à une inscription au budget municipal, on pouvait espérer toutefois que le délai de réalisation demeurerait raisonnable.

Pourtant, deux ans plus tard, projets et intentions n’avaient pas été suivis d’un commencement d’effet et la situation s’était même compliquée avec l’entrée en scène d’un troisième acteur. Le monument du Souvenir Français, dont le financement à hauteur d’un peu plus de 13 000 francs10 était maintenant assuré, avait connu un retard inattendu dans sa mise en chantier. Un nouveau vote du conseil municipal de Châteauroux, le 14 novembre 1921, avait entériné la décision de « rendre un hommage durable aux héroïques victimes du conflit », mais le conseil hésitait sur le lieu le plus approprié11. En dernier lieu, le conseil général venait d’inscrire au budget de l’exercice en cours une somme de 6 000 francs pour que le sculpteur Ernest Nivet – toujours lui - pût lui présenter une maquette de monument « à la mémoire des enfants du département de l’Indre morts pour la Patrie au cours de la grande guerre » : une commission chargée de s’entendre avec le sculpteur avait été constituée, ce qui prenait de vitesse la ville de Châteauroux12. Devait-on attendre de Nivet une réponse rapide alors qu’il avait déjà pris du retard dans l’exécution du « Poilu » de Levroux et qu’il s’était engagé aussi vis-à-vis des communes de La Châtre et d’Éguzon ? De fait la question ne serait de nouveau examinée par l’assemblée départementale qu’en 1923 et nous verrons plus loin comment l’inauguration fut repoussée jusqu’en 1932.

S’agissant du monument du Souvenir Français, un fâcheux contretemps avait surgi, qui allait être bientôt surmonté. Dans sa séance du 17 juin, la commission artistique, créée par la circulaire du ministère de l’Intérieur du 10 mai 1920, avait cru devoir rejeter la demande d’approbation en mettant en avant deux raisons développées en ces termes13 :

En ce qui concerne le projet d’érection d’un monument au Cimetière présenté par le Souvenir Français, la commission estime que le projet n’a pas l’ampleur qu’il conviendrait de lui donner dans une ville importante. D’autre part, le sujet du soldat debout devant le cénotaphe ne s’harmonise pas avec le monument et a une mauvaise exécution artistique. Pour cette raison, la commission ne croit pas devoir donner son approbation au projet.

Le premier argument réapparaîtra dans notre histoire des monuments aux morts de Châteauroux, et son principal effet sera le plus souvent de suspendre sine die toute volonté de mise en œuvre d’un projet à court ou moyen terme. En 1920 il reflétait sans aucun doute la déception réelle des anciens combattants et de la population. Du second argument, d’ordre esthétique, nous ne pouvons juger le bien-fondé, car aucune trace n’a été conservée de cette représentation d’un « soldat debout devant [un] cénotaphe » - dont on ignore aussi quel sculpteur (ou marbrier) l’avait conçue : selon toute vraisemblance on avait fait choix d’une statue de facture médiocre pour des raisons d’économie. Dans ces conditions, il ne restait plus au Souvenir Français qu’à se résigner à l’absence d’un « poilu »14 et à présenter un autre projet, transmis à la commission artistique en septembre 1921, et accepté le 8 octobre. Les architectes en étaient MM. Edmond Gaud (membre de la commission !) et Léon Grellier, le sculpteur M. Jean Sajous15. L’entreprise Emile Villeneuve de Châteauroux devait en assumer la construction sur un espace réservé de 9, 50 m2, au centre du carré militaire, dans la 1ère division du cimetière Saint-Denis16.

C’est enfin l’après-midi17 du 28 mai 1922 qu’eut lieu l’inauguration du monument du Souvenir Français, tel qu’on peut le voir aujourd’hui. Le compte rendu de cette journée figure sur deux colonnes en première page dans le Journal du Département de l’Indre des 29-30 mai 1922. La cérémonie était présidée par Joseph Patureau-Mirand, en sa qualité de député de l’Indre, et se déroulait en présence également de Jules Amirault, maire de Châteauroux. Elle réunit des vétérans de 1870, des anciens combattants médaillés militaires, des officiers, sous-officiers et soldats de la garnison. Lorsque le drap qui dissimulait le monument fut tiré, apparut une haute croix en pierre de taille, élevée sur un socle18 portant sur sa face antérieure la mention « 1914-1918 ». Le journaliste précise : « Pour toute ornementation, deux casques de bronze placés au pied sur les côtés et deux colonnes de même métal soutenant la partie horizontale de la Croix. Une épée, entourée d’une guirlande de chêne, gravée sur la face perpendiculaire de la Croix semblerait indiquer que ces morts dont on honore la mémoire jouissent d’un éternel repos19 ». La devise du Souvenir Français « A nous le souvenir, à eux l’immortalité » encadrait la garde de l’épée disposée pointe en bas20. La cérémonie d’inauguration se déroula ensuite de manière rituelle : au dépôt de gerbes succéda la bénédiction du monument par le chanoine Dupuit, archiprêtre de l’église Saint-André, puis ce furent les discours du président-délégué du Souvenir Français et du député ; enfin l’avoué Joseph Beulay, ancien combattant et blessé de guerre, vice-président du Souvenir Français, donna lecture d’une pièce en vers de sa composition. 

Châteauroux, le monument aux morts du Souvenir Français (cliché L. Lacour)
Châteauroux, le monument aux morts du Souvenir Français (cliché L. Lacour)

Premier monument aux morts de 1914-1918 inauguré à Châteauroux, celui du Souvenir Français devait demeurer pendant près de dix ans le terme ultime des cortèges parcourant la ville à l’occasion de l’anniversaire de l’armistice, le 11 novembre21. Pourtant il ne correspondait pas à l’idée « du monument grandiose qu’on aurait souhaité, du monument digne du sacrifice des morts de 1914- 191822 ». 

1921-1924 – Grands projets et réalisations différées

Aux élections du 30 novembre 1919 une liste « de concentration républicaine de gauche, radicale et socialiste » l’avait emporté à Châteauroux. La nouvelle équipe se trouva bientôt aux prises avec les nombreux problèmes apparus au cours des années de l’après-guerre, ainsi qu’on peut le constater à la lecture des délibérations municipales. Au sous-équipement de la ville dans de multiples domaines, aux charges de la voirie s’ajoutaient désormais les difficultés des plus démunis confrontés à la « vie chère » : c’est ainsi qu’en 1920 la municipalité dut contracter un emprunt de 60 000 francs auprès du Crédit Commercial de France.

L’idée d’élever un monument aux morts de la Grande Guerre n’était pas abandonnée pour autant : en témoigne ce rapport de la commission des finances lors de la séance du conseil municipal du 14 novembre 1921, qui concluait en faveur de la réalisation d’une œuvre ambitieuse - mais se montrait toutefois hostile à l’expression de tout triomphalisme à travers celle-ci.

… M. le Maire, à l’occasion de la demande qui venait d’être examinée, a pensé qu’il y avait lieu de poser devant votre commission la question de l’érection, sur une des places de la ville, d’un monument commémoratif aux héros de la guerre de 1914-1918. (…) la commission, considérant qu’un monument commémoratif de la guerre devait avoir pour objet, moins de célébrer une victoire, dont la France paraît, hélas, avoir tiré un bien médiocre bénéfice, que de rendre un hommage durable aux héroïques victimes du conflit, rappelant d’autre part que le conseil a décidé d’édifier un mausolée pour y remettre, à la fin de la concession gratuite décennale accordée à leurs familles, les corps des soldats morts pour la Patrie qui ne seraient pas déposés dans une concession privée, a été d’avis d’édifier, au moment de la construction de ce mausolée et sur son emplacement, le monument commémoratif des héros de la guerre23.

En s‘exprimant de la sorte, le maire, Jules Amirault24, avait lancé un double débat qui portait à la fois sur le choix d’un lieu pour la construction du monument aux morts et sur son architecture. Dans d’autres communes du département, et dans la France entière, la question de l’emplacement suscita souvent des discussions prolongées, contribuant à retarder l’exécution des projets municipaux. À Châteauroux le choix du cimetière par le rapporteur de la commission des finances devait faire surgir aussitôt d’autres propositions, à leur tour sources de contestations. Cet emplacement, il est vrai, s’accordait avec l’idée d’élever en cet endroit un « mausolée » (si on donne à ce mot son sens exact) qui puisse prétendre à un caractère vraiment monumental. D’autre part on est tenté de mettre en relation cette idée de mausolée avec l’émotion ayant entouré la restitution aux familles de corps de leurs proches, enterrés à la hâte dans les zones du front. Du 17 mars 1921 au 18 avril 1922, ce n’est pas moins de vingt-neuf trains spéciaux qui firent halte en gare de Châteauroux, en provenance de Creil ou de Brienne-le-Château, avec leur cargaison de cercueils, répartis ensuite sur l’ensemble des communes du département25. La presse s’en fit l’écho en signalant chaque arrivée nouvelle d’un convoi et l’organisation de nombreux services funèbres26. Dans ces mêmes journaux on ne trouve nulle part la mention d’un projet de mausolée. Or nous pensons qu’il a bien été mis à l’étude par le sculpteur Nivet, sollicité par Jules Amirault27 : les archives de la famille Nivet conservent en effet deux photos de croquis au crayon28 d’une construction qui correspondrait assez à ce que l’on entend par un mausolée. Précédé d’une volée de marches, c’est un ensemble à deux niveaux, évoquant une sorte d’arc de triomphe, dont la partie centrale, ordinairement ouverte, serait ici occupée par un groupe sculpté. La face antérieure, seule visible dans le croquis, montre au niveau supérieur un grand bas-relief, où se déroule une scène de mêlée furieuse, tandis que le niveau inférieur est consacré à la déploration. Sur l’un des croquis, on reconnaît un groupe dont précisément Nivet conçut la maquette à cette époque, celui de deux femmes inclinées de part et d’autre d’une stèle ou d’un tombeau. Des deux côtés du monument deux soldats se tiennent debout et semblent eux aussi symboliser le deuil, dans des attitudes qui font songer au Poilu d’Eguzon. Reconnaissons toutefois qu’en l’absence de date il est impossible d’établir avec précision si ces croquis répondent au souhait exprimé en 1921 par le rapporteur de la commission des finances. 

Ernest Nivet, projet de mausolée (archives Nivet, cliché L. Lacour)
Ernest Nivet, projet de mausolée (archives Nivet, cliché L. Lacour)

La décision du conseil municipal n’eut pas de suite : elle soulevait trop de difficultés, dont les moindres étaient d’ordre financier. La question d’un ouvrage destiné à commémorer le sacrifice des combattants de Châteauroux disparut des débats du conseil municipal entre novembre 1921 et mai 1923 : on préféra prendre des contacts officieux avec le conseil général pour édifier un monument à frais communs, sans aboutir à un accord29

Les années 1923 et 1924 allaient donner lieu à une réalisation de nature à en satisfaire certains, même si la solution trouvée paraissait bien insuffisante aux anciens combattants. Lors d’une session ordinaire du conseil municipal, le 18 mai 1923, répondant aux questions diverses, le maire de Châteauroux développait une idée nouvelle que les circonstances lui inspiraient :

… À défaut d’un monument spécial à la Ville de Châteauroux, ou en attendant ce monument, ce qu’on pourrait faire, ce serait de profiter de la réfection du vestibule et de l’escalier de la salle des mariages pour y faire apposer des plaques de marbre portant les noms des enfants de Châteauroux tombés au champ d’honneur. […] Sur le palier on pourrait ajouter un double bas-relief qui complèterait harmonieusement l’ensemble. Même avec ce complément de décoration, je crois que l’exécution du projet ne coûterait pas extrêmement cher. En cas de déplacement de la mairie dans l’avenir, le tout pourrait être d’ailleurs reporté dans un nouvel édifice. À la mairie de Tours, il y a, paraît-il, quelque chose d’analogue : tous les noms sont inscrits sur des plaques fixées sous le péristyle du grand escalier30.

À l’architecte Albert Laprade, auquel était confiée la charge de concevoir un projet global d’aménagement, on adjoignit l’architecte de la ville, Louis Suard et, pour les bas-reliefs, Ernest Nivet. Les archives municipales ont recueilli des dessins aquarellés de Laprade, où les bas-reliefs nous semblent traités d’imagination par l’architecte : on voit une dizaine d’hommes, de femmes, d’enfants qui déposent des gerbes et des couronnes au pied d’une stèle surmontée du buste d’un soldat (biffé ensuite)31

Projet d’Albert Laprade pour l’Hôtel de ville de Châteauroux (AMC 15 Fi 2, cliché AMC)
Projet d’Albert Laprade pour l’Hôtel de ville de Châteauroux (AMC 15 Fi 2, cliché AMC)

Des retards cumulés, des modifications de détail, une appréciation d’abord trop optimiste du surcoût imposé par la présence de sculptures, firent repousser toute décision définitive jusqu’en octobre de la même année. Dans son rapport présenté devant le conseil réuni en session extraordinaire, le 23 octobre 1923, la commission des finances devait reconnaître alors qu’ «il semble que la dépense à engager ne soit plus en rapport avec le cadre modeste dont nous disposons » : en effet, dans un premier projet de contrat, Nivet avait estimé son travail à 30 000 francs, puis, en tenant compte plus exactement de la mise au point et de la pratique, à 50 000 francs, ce qui faisait une dépense totale de 77 500 francs32. On dut donc se résoudre à ne conserver que les plaques de marbre (en fait de calcaire dur) de Comblanchien ; l’entreprise Emile Villeneuve se chargea de graver pour un prix de 16 000 francs les 841 noms, sur dix panneaux de 1,35 x 3,55 m installés (en 1925) dans l’escalier d’honneur de la mairie. À défaut de leur élever un monument, Châteauroux inscrivait du moins dans la pierre les noms de ses malheureux enfants, plus de six ans après la fin de la guerre.

La question rebondit une dernière fois à la fin de cette année 1924, lorsque le Préfet de l’Indre, par lettre du 24 octobre, informa le maire qu’à compter du 31 décembre de l’année en cours l’État n’accorderait plus d’aide aux communes pour élever un monument aux morts33. Il l’invitait à faire parvenir avant le 15 décembre un dossier de demande de subvention accompagnée des plans et devis du projet. Le conseil municipal s’empara de nouveau de l’affaire car il n’y avait plus de temps à perdre. Dans sa séance du 22 novembre, et après une longue délibération, il décidait d’ériger un monument sur un emplacement qui restait à déterminer : à cet égard les oppositions qui étaient apparues lors de précédents conseils étaient toujours aussi vives, les uns – c’était la position du maire - tenant encore pour le cimetière, les autres pour une place publique « pour rappeler aux générations futures non seulement le sacrifice de nos morts, mais aussi l’horreur de la guerre ». Une commission fut désignée et se rendit à l’atelier du sculpteur Nivet, où elle ratifia le souhait du maire d’opter pour le groupe des Pleureuses que le conseil général, à la même date, avait écarté. Trois jours avant la fin de l’année, le 29 décembre, une somme de 100 000 francs était votée et la demande de subvention à hauteur de 11 000 francs était adressée au ministère de l’Intérieur par l’intermédiaire du préfet34. Enfin le 12 février 1925, se ralliant à l’opinion de l’architecte Albert Laprade et du sculpteur Ernest Nivet, les conseillers municipaux fixaient leur choix sur la place La Fayette35 et envisageaient d’ouvrir une souscription publique dont le montant permettrait d’alléger les charges de la Ville. Il était malheureusement trop tard, le dossier pour obtenir le concours de l’État étant parvenu hors délai36.

Par ailleurs, en mai 1925, un changement de municipalité37 allait ajourner le projet, selon le vœu de la nouvelle commission des finances qui s’était prononcée en ce sens par 9 voix contre 3. Au terme d’un débat où le représentant de la minorité, Joseph Patureau-Mirand, usait de toute son éloquence pour convaincre ses adversaires politiques, le conseil municipal du 18 juillet 1925 autorisait Ernest Nivet à reprendre sa maquette (sans dédommagement) et à en user comme bon lui semblerait38. La discussion avait été souvent houleuse, ainsi que le reflète le compte rendu des délibérations municipales pour cette séance. Le rédacteur du Gargaillou ne se privait pas d’attribuer cette issue décevante à la présence dans la municipalité de « pacifistes béats [qui] ne voulaient pas entendre parler de reconnaissance ni de mémoire aux victimes de la guerre et préféraient la lutte de clocher aux luttes pour la défense du sol natal39 ». Au cours des années suivantes, on oublia la question du monument, si l’on excepte le vœu formulé le 25 mai 1928 par M. Petit, et aussitôt ratifié par ses collègues, de faire au conseil général une nouvelle offre de subvention pour le projet départemental. Aussi l’affirmation selon laquelle « la ville de Châteauroux est la seule ville de France qui n’ait pas voulu honorer les morts de 1914-191840 » allait-elle prendre corps dans une fraction de l’opinion. La mésentente entre conseil général et conseil municipal, les atermoiements, une ambition légitime de doter la ville d’un monument nécessairement coûteux, les opposions d’ordre politique ou personnel, toutes ces raisons inextricablement mêlées expliquaient cette absence. 

1919-1932 : La longue histoire des Pleureuses

Lors du conseil municipal du 18 juillet 1925, Paul Mellottée, l’un des plus chauds partisans d’un monument aux morts propre à la ville l’avait reconnu : « Si le conseil général fait élever un monument aux morts du Département sur la place de la Préfecture, il peut paraître excessif, en tenant compte qu’il existe déjà un monument aux Morts de 1870 sur la place Gambetta, de vouloir en édifier un 3ème sur la place Lafayette. » Il avait d’ailleurs plaidé régulièrement pour un rapprochement avec l’assemblée départementale. Comme on l’a dit plus haut, celle-ci s’était prononcée en mai et août 1921 en faveur d’un monument aux morts de l’Indre, nommant une commission à l’effet de prendre contact avec le sculpteur Ernest Nivet. Mais du temps s’était écoulé depuis lors et d’ultimes hésitations allaient encore retarder la mise à exécution du projet.

Ayant été sollicité par d’autres commandes urgentes, Nivet acheva seulement en 1923 les deux maquettes41 entre lesquelles le conseil général devait faire son choix. La lecture de la presse nous fournit de précieuses indications sur la perception que l’on avait de chacune d’elles ; ainsi dans ce récit d’une visite à l’atelier du sculpteur en avril 1923 :

La première représente deux de ces berrichonnes en costume de deuil, leur grande capote noire abaissée sur leurs yeux. Elles ont les mains jointes, l’anxiété est peinte avec vigueur sur leur visage. Ces femmes sont figurées sur un champ de bataille, penchées sur les mourants ; à chaque pas elles s’attendent à trouver l’un des leurs. Œuvre d’une force incomparable, tableau de la douleur vraie, brutale, si l’on peut dire.

La seconde est d’un caractère assez différent. Deux femmes encore en sont le sujet. Elles portent le costume campagnard et la coiffe. Toutes deux sont appuyées sur un tombeau, au centre. Tandis que l’une d’elles – celle de gauche – est accoudée sur le sépulcre et médite en priant, la tête légèrement inclinée sur la pierre, l’autre est prostrée davantage. Le haut de son corps est affaissé sur le tombeau. Elle prie avec ferveur, et peut-être sanglote.

La tenue de ce groupe est magnifique. Il s’en dégage un caractère d’harmonie et de douceur que l’on ne trouve pas chez l’autre. C’est d’ailleurs cette dernière maquette qui a été adoptée par le Conseil général. On a estimé qu’elle se rapportait mieux aux sentiments que voulait perpétuer l’Assemblée, qu’elle symbolisait davantage la perpétuité du souvenir des Grands Morts. Nous sommes de cet avis. […]42 

Ernest Nivet, maquette d’un monument aux morts du Département de l’Indre (cliché L. Lacour)
Ernest Nivet, maquette d’un monument aux morts du Département de l’Indre (cliché L. Lacour)

Le choix semblait désormais arrêté43 ; pourtant, en septembre 1926, l’assemblée départementale, à l’initiative de certains de ses membres, se ravisa et, après un examen renouvelé des deux maquettes, elle opta pour les Pleureuses – qui avaient eu les faveurs de la ville de Châteauroux pour son propre monument avant qu’elle renonçât à en élever un. Des modifications furent encore apportées par le sculpteur à la première version : dans la version définitive, la plus âgée des deux femmes ne fléchit plus les genoux. L’emplacement ne faisait pas non plus l’unanimité : deux longues séances du conseil général furent consacrées à cette question que l’on croyait tranchée. Tous les conseillers s’accordaient pour mettre en valeur le caractère unique de l’œuvre et sa haute valeur artistique. Mais la ville, se faisant l’écho de l’opinion, jugeait la place de la Préfecture « trop retirée » et proposait la place La Fayette. Certains conseillers, au contraire, reprochaient à cet endroit de ne pas se prêter particulièrement au recueillement. Les partisans de la place de la Victoire-et-des-Alliés44 invoquaient la proximité de la maison départementale et la portée symbolique d’un tel choix. Ils pouvaient aussi s’appuyer sur l’opinion du sculpteur (qui ne semble pas avoir varié depuis 1923) :

« J’ai consulté l’artiste lui-même qui nous dit que son monument ferait le meilleur effet sur la place de la Préfecture ; ce serait le monument tel qu’il l’a rêvé, celui fait pour la pensée, le recueillement, pour tout ce qui doit rappeler le souvenir, et c’est sur la place de la Préfecture qu’il produira son effet45 ». Tel est encore l’avis du sculpteur Jean Clément, élève de Nivet, dans une chronique postérieure à l’inauguration :

[…] l’architecture du monument est heureusement remplacée par un écran d’arbustes dont le feuillage vert foncé fait ressortir la beauté des deux figures. La place de la Préfecture où est situé le monument est bordée de maisons dont la plupart n’ont aucun caractère. Cette place est toute de guingois et sa déclivité même est hésitante. Toute cette laideur disparaît devant l’œuvre de Nivet. Ce lieu, il est vrai, est désert ; les rares promeneurs qui osent traverser la place se croient obligés de prendre le pas furtif et hésitant des cambrioleurs. Combien je préfère, pour l’érection d’un monument aux morts, cette solitude mère du recueillement au centre grouillant d’une ville, au voisinage d’un marché avec ses piailleries et son escorte de baraques foraines. […]46

Enfin – en 1928 ! – 85 000 francs furent inscrits au budget supplémentaire et le préfet signa avec Nivet un marché de gré à gré pour réaliser le monument sur un morceau de terrain dépendant de la résidence préfectorale

Le sculpteur préside à l’installation d’une des Pleureuses (archives Nivet, cliché L. Lacour)
Le sculpteur préside à l’installation d’une des Pleureuses (archives Nivet, cliché L. Lacour)

Trois ans allaient être nécessaires au sculpteur qui, dans le même temps, menait de front l’exécution du monument du Souvenir à Châtillon-sur-Indre et répondait aussi à d’importantes commandes de particuliers. En septembre 1929, deux gros blocs de pierre de Lavoux ayant été installés, on éleva une palissade pour permettre aux ouvriers de travailler à l’abri des regards indiscrets : « Il n’y a plus qu’à attendre. Et attendre longtemps, car les travaux avancent lentement. On en exécute un tout petit peu au moment des sessions du Conseil général48. » Peut-être doit-on ici invoquer le souci de perfection qui caractérisait Nivet, mais on sera aussi attentif à cette observation d’un contemporain :

[…] Nivet a encore cette excuse à son retard qu’il a renouvelé sa technique dans cette œuvre. Cet amoureux de la perfection poussée à l’extrême limite du détail qu’il fut jadis, est en effet parti hardiment à la recherche d’une conception plus large et qui n’en est pas moins poignante. Il a traité d’un ciseau extrêmement vigoureux dans la masse, par larges modelés, par lignes dégagées et souples, et il a stylisé de la manière la plus heureuse le symbole de son idée. […]49

En 1930 on put espérer que le monument serait inauguré au moment de la quatrième Semaine Berrichonne, soit en juin, mais il n’en fut rien, et il fallut aussi prévoir la mise en place d’une grille de protection50. Alors que le sculpteur avait achevé son travail, la date d’inauguration fut reportée en octobre de la même année, puis en 1931, - pour des raisons politiques et en vue des élections prochaines, à en croire des esprits bien informés51

Les Pleureuses, le jour de l’inauguration du monument aux morts (archives Nivet, cliché L. Lacour).
Les Pleureuses, le jour de l’inauguration du monument aux morts (archives Nivet, cliché L. Lacour).

En définitive, la cérémonie eut lieu le 6 novembre 1932 dans l’après-midi. Une dizaine de quotidiens nationaux en firent mention et reproduisirent quelquefois une photo du monument. Selon le rituel bien établi en pareilles circonstances et après l’arrivée des officiels dans la tribune d’honneur, le groupe sculpté par Nivet fut dévoilé par un jeune pupille de la nation, tandis que retentissait la sonnerie Aux champs suivie d’une minute de silence. Vint ensuite le moment des dépôts de gerbes par les personnalités et délégations officielles, aux accents de la marche funèbre de Chopin. Le Journal du Département de l’Indre transcrit fidèlement les discours, relayés ce jour-là par des haut-parleurs, des orateurs successifs, M. Bénazet, président du conseil général, M. Rotinat, président des anciens combattants, M. Deschizeaux, nouveau député de l’Indre, M. Henry Dauthy, sénateur et le préfet, M. Lemoine. La cérémonie se conclut par le défilé des sections du 3e R.A.C., des enfants des écoles, des anciens combattants, des sapeurs pompiers, des maires, puis du public. « Le soir le monument a été illuminé à l’aide de projecteurs placés sur les côtés52. » 

Ernest Nivet, les Pleureuses, après restauration, 11 novembre 2018 (cliché L. Lacour)
Ernest Nivet, les Pleureuses, après restauration, 11 novembre 2018 (cliché L. Lacour)

Après bien des atermoiements, un monument aux morts d’une exceptionnelle qualité artistique se dressait sur une place de Châteauroux où chacun pourrait désormais se recueillir et l’admirer. Refusant tous les poncifs il donnait à voir la douleur des mères et des épouses dans sa nudité tragique. Ce message rencontrait l’adhésion de l’opinion que le conseil général avait donc su pressentir. 

1932-1937 : Encore cinq ans d’attente pour Châteauroux

La date anniversaire de l’Armistice tombait quelques jours après l’inauguration du 6 novembre 1932 : ce fut l’occasion choisie par M. Perrod, président de l’Association des Grands Mutilés de Guerre de Châteauroux, dans son discours prononcé devant le monument de 1870, pour exprimer le regret des anciens combattants que la ville n’eût pas rendu hommage aux morts de 1914-191853. La demande fut renouvelée l’année suivante avec la même insistance. Entre temps un comité du monument s’était constitué, réunissant des représentants de la municipalité et des sociétés concernées, pour étudier une nouvelle fois la question et recueillir par souscription les fonds nécessaires54. Ses membres s’étaient accordés sans difficulté sur l’emplacement – celui qui avait eu de longue date la préférence des castelroussins, la place La Fayette – mais un différend était survenu avec la ville à propos de la désignation du sculpteur : c’était là une prérogative que le comité souhaitait conserver en organisant un concours, et les tentatives successives de conciliation avaient échoué55.

Telle était la situation que Joseph Patureau-Mirand, plus combatif que jamais, résumait dans une longue intervention devant le conseil municipal, au moment des questions diverses, le 10 mars 1933. Il rappelait très nettement que seul Nivet pouvait mener à bien l’œuvre envisagée, comme cela avait d’ailleurs toujours été entendu : « Ce qu’il faut qu’on sache, c’est qu’aucune transaction n’est possible sur le choix du sculpteur. J’ai proposé Nivet parce que j’estime qu’il est le seul à pouvoir traduire l’âme berrichonne. Et puis, je le répète encore, quand on possède dans une ville un artiste comme Nivet, qui n’est pas un bourgeois mais un enfant du peuple, on n’a pas le droit de chercher ailleurs. » Il obtenait qu’une commission de quatre membres soit désignée pour prendre contact avec le sculpteur et l’engager à présenter trois maquettes « qui seront soumises au choix de la population toute entière »56. Le 15 novembre le conseil examina des photographies de trois projets, mais des réticences s’exprimaient alors en son sein avant qu’il ne se décidât à voter le crédit de 100 000 francs correspondant à la demande formulée par Nivet57. Un an s’était écoulé et huit mois allaient être encore nécessaires dans l’attente d’un commencement d’exécution.

C’est le 2 mars 1934 que la commission municipale chargée d’examiner les trois maquettes exposa son choix par la bouche de Jules Amirault : « Après l’examen des trois maquettes, la Commission a été unanime à donner ses préférences à un groupe symbolisant le retour du front. C’est un poilu, amputé d’un bras et mutilé de la face que sa femme accueille en laissant apparaître son désespoir de le voir mutilé et sa joie de son retour, quand tant d’autres ne sont pas revenus. » Le rapporteur suggérait de donner un large développement à la souscription qui, à cette date avait recueilli une somme encore insuffisante58. Le sculpteur prendrait l’engagement de livrer le monument, dont Albert Laprade serait l’architecte, le 11 novembre suivant, pour un prix de 100 000 francs59. De fait et selon la procédure ordinaire, Joseph Bellier signait le 2 juillet 1934 un traité de gré à gré avec le sculpteur pour exécuter un monument aux morts d’un prix forfaitaire de 100 000 francs à terminer le 31 janvier 1935 au plus tard60

Dessin d’un premier projet du monument de Châteauroux (archives Nivet, cliché L. Lacour)
Dessin d’un premier projet du monument de Châteauroux (archives Nivet, cliché L. Lacour)

Est-il besoin de dire qu’au 31 janvier 1935 les travaux n’avaient pas commencé place La Fayette ? L’emplacement choisi avait encore été remis en cause61, puis confirmé, mais l’architecture du projet avait dû être remaniée. « Quand on a voulu placer le Monument à l’endroit fixé par le Conseil, on s’est aperçu qu’il faisait un peu maigre. Il a donc fallu mettre un nouveau projet à l’étude, d’où un retard inévitable », lit-on dans les délibérations municipales à la date du 20 avril 1935 : la livraison du monument fut reportée au 11 novembre62. L’artiste apporta en outre des modifications au groupe sculpté, dont la plus visible est la suppression du casque que le soldat portait initialement : le caractère « pacifiste » de l’œuvre n’en était que plus évident et le rédacteur du Journal du Département le regrettait lorsqu’il écrivait (27 avril 1935): « […] Pour notre part, nous eussions préféré un geste et un mouvement de vainqueurs. La France a tort de ne pas oser glorifier et revendiquer sa victoire, dans un siècle de fer où, pour être écouté, il faut parler haut et surtout de haut. […]63 »

Le changement d’équipe municipale en mai 1935 ne devait pas entraîner de nouveaux retards. Mais, à la fin de l’année, il fallut prendre acte du montant insuffisant des fonds recueillis par souscription64, alors qu’on escomptait les affecter à la rétribution totale de la partie architecturale, qui n’entrait pas dans les 100 000 francs précédemment votés. Les architectes, Laprade et Varaine, renoncèrent à leurs honoraires65 et Nivet abandonnait 10 000 francs - à titre de souscripteur66 ! D’autre part l’aménagement de la place, indispensable si on voulait donner de la visibilité au monument, exigeait des frais qui n’avaient pas été anticipés et qui furent couverts par un emprunt associée à une mise en régie directe67. Enfin les travaux d’architecture purent être mis en adjudication le 20 février 193668.

À la lecture du journal on apprend que c’est le 9 septembre de cette année-là que fut livré sur la place La Fayette le monolithe de dix-huit tonnes en pierre de Lavoux que Nivet et son praticien entreprirent de tailler, isolés des regards dans une baraque en planches. A la fin de l’année l’œuvre fut installée à sa place définitive, au terme d’une manipulation délicate, qui nous est racontée ainsi :

(…) C’est M. Turier qui se charge de diriger ce travail qui sera exécuté à l’aide seulement de deux crics puissants manœuvrés par deux ouvriers.

Lentement, le monument sera avancé sur des poutres disposées à cet effet jusqu’au pied de son socle, puis soulevé par les deux crics il s’élèvera de quelques centimètres et on disposera alors sous lui de nouveaux madriers. Cette opération se renouvellera jusqu’à ce que la masse de pierre atteigne le niveau du socle. Il n’y aura plus alors qu’à la faire glisser sur ce socle.

Les travaux préparatoires seront exécutés aujourd’hui et il sera procédé mercredi au « levage » lui- même.

Aussitôt après, le monument disparaîtra derrière un nouveau baraquement de planches à l’abri duquel Nivet achèvera son œuvre.69

Quand arriva le jour de l’inauguration, le 31 janvier 1937, le travail du sculpteur n’était sans doute pas terminé, si l’on en croit diverses sources. Le temps était très hivernal et la cérémonie se déroula sous une pluie persistante, comme le montrent les photos d’époque où la place La Fayette disparaît derrière une forêt de parapluies.

A la population de la ville venue nombreuse s’ajoutèrent tous ceux qui avaient emprunté des trains spéciaux en provenance de divers points du département. Le programme avait été minutieusement établi par la municipalité : en effet le ministre des Affaires Etrangères, Yvon Delbos, avait accepté l’invitation du maire de Châteauroux, et chacun s’attendait à ce qu’il réponde au discours prononcé la veille au Reichstag par le chancelier allemand Adolf Hitler. La presse nationale s’était dérangée et on apprend qu’on avait mis à la disposition des journalistes onze postes téléphoniques ainsi que des liaisons télégraphiques rapides. La TSF (Limoges relayée par le poste National) retransmit les discours et les actualités cinématographiques rendirent compte de la cérémonie70. Ainsi l’événement eut une portée nationale. On oublia le monument lui-même et il fut surtout question dans les propos du ministre de la course aux armements, du rôle d’arbitre de la S.D.N., de la volonté de paix européenne de la France. 

La "Une " de Paris-Soir, 2 février 1937 (archives Nivet, cliché L. Lacour)
La "Une " de Paris-Soir, 2 février 1937 (archives Nivet, cliché L. Lacour)
Ernest Nivet, détail du monument de Châteauroux (cliché L. Lacour)
Ernest Nivet, détail du monument de Châteauroux (cliché L. Lacour)

Châteauroux avait attendu dix-huit ans son monument aux morts de la Grande Guerre et déjà chacun retenait son souffle à l’approche pressentie d’un nouveau conflit. « Devant le rappel par le représentant du gouvernement du malaise de l’heure présente on sentait planer sur cette foule venue saluer la mémoire des disparus, comme une angoisse d’avoir peut-être bientôt à se replonger dans la crainte et la douleur71. »

Au terme de ce long récit, il peut sembler difficile de projeter sur la question de la genèse des monuments aux morts de Châteauroux un éclairage suffisamment synthétique. Nous préférerons mettre en avant une série de remarques déjà bien apparentes dans notre relation des faits : elles nous serviront de conclusion.

Et tout d’abord il est assez évident que ce sont les anciens combattants, à travers leurs associations locales et en interpellant inlassablement les élus, qui ont obtenu que soit rendu un hommage public à leurs camarades morts pour la France. Dès 1919 le désir d’élever un monument aux morts de la Guerre, émanait, on l’a vu, de leurs rangs. Dans les années 30, leur demande se fit plus insistante : même après l’inauguration du monument départemental, ils réclamèrent l’exécution de la promesse ancienne de la municipalité concernant un monument propre à la ville. Tout au long de cette période les anciens combattants furent soutenus sans réserve par la presse locale, et l’opinion publique semble s’être rangée majoritairement derrière eux.

Le choix du sculpteur local Ernest Nivet s’est imposé comme une évidence - quel qu’ait pu être par ailleurs le projet retenu (groupe sculpté, mausolée, bas-reliefs) - et il n’a été en concurrence qu’avec lui-même. Le caractère douloureux de son inspiration, son refus d’exalter la guerre, tout cela n’a pas fait naître de débat dans l’opinion (ou très marginalement) ; il a bénéficié de l’appui d’une élite cultivée parmi les responsables politiques de l’époque, toutes tendances confondues (Joseph Patureau-Mirand, Jules Amirault, Raymond Dauthy), en considération de la valeur artistique de ses créations. A l’approche d’un conflit nouveau trop prévisible sa sensibilité s’accordait d’ailleurs de mieux en mieux avec le sentiment général. 72

Les retards dans la réalisation des monuments de Châteauroux nous paraissent surtout imputables à l’existence de priorités plus immédiates dans le contexte difficile de l’après-guerre puis des lendemains de la crise de 1929. Le sacrifice de tant de vies exigeait un hommage dont le coût s’ajoutait aux dépenses de tous ordres pour soulager la population. Là-dessus se greffèrent les oppositions inévitables d’ordre politique ou personnel, les changements au sein des assemblées départementale ou municipale, les atermoiements, et tous les facteurs qui ralentissent l’exécution des commandes publiques.

Lucien LACOUR

Ce texte est la version enrichie et remaniée d’un article paru initialement dans « L’Indre et la Grande Guerre (1914-1920) » - Actes du colloque de Châteauroux, 15 novembre 2014 – C.R.E.D.I. éditions, 2016. 

Notes

1 Les lieux de mémoire, publié sous la direction de Pierre Nora, Gallimard, NRF, 1984, tome 1, p. 195-225.

2 Lettre de son président-délégué, Victor Souvay, au maire de Châteauroux du 28 juillet 1920 (Archives municipales de Châteauroux, dorénavant AMC, 2 M 58).

3 Première mention de cette messe, célébrée tous les vendredis à 8 heures, dans La Croix de l’Indre du 11 octobre 1914.

4 Voir par exemple Journal du Département de l’Indre des 3-4 novembre 1919, La Croix de l’Indre du 5 novembre 1919.

5 La Croix de l’Indre publia un premier appel aux habitants de Châteauroux et du département dans son numéro du 7 mai 1919. Des listes de souscripteurs parurent ensuite régulièrement dans le même journal et jusque dans les jours précédant l’inauguration.

6 Archives municipales de Châteauroux, 1 D 44, délibérations du conseil municipal de Châteauroux du 26 juillet 1919, point 20 (p. 322) : vote d’une subvention bien modeste de 100 francs – Archives départementales de l’Indre (dorénavant AD36), 1 N 58, délibérations du conseil général, année 1919, séance du 19 août (p. 665) : vote d’une subvention de 1500 francs

7 La Croix de l’Indre du 30 août 1919 : « …nous avons connaissance du très beau projet du futur Monument inspiré par un des plus distingués sculpteurs de notre ville, et dont la construction sera confiée à un entrepreneur de Châteauroux. »

8 Joseph Patureau-Mirand (1873-1945), avocat, maire de Châteauroux en 1908-1909, député de l’Indre à trois reprises avant et après la guerre, à laquelle il avait participé pendant quatre ans au 65e territorial, obtenant ses galons de capitaine et la croix de guerre. Il avait l’étiquette de « républicain », c’est-à-dire de modéré. Sur la question de l’emplacement du monument aux morts, au cours des années suivantes, il réclama inlassablement qu’il s’élève en vis-à-vis de celui de 1870 – situé à l’extrémité de la place Gambetta - comme une affirmation de la Victoire après la Défaite.

9 AMC, 1 D 44, délibérations municipales du 11 août 1919 (p. 344).

10 Cette somme correspond au devis initial tel qu’indiqué dans une lettre de V. Souvay au Maire de Châteauroux du 28 juillet 1920 (AMC, 2 M 58).

11 AMC, 1 D 45, point 26 de la séance.

12 AD36, 1 N 60, délibérations du conseil général, année 1921, 1ere session, séance du 4 mai, p. 334-335 (rapport de M. Leglos et discussion).

13 AMC, 2 M 58 « Cimetière Saint-Denis » ; AD36 827 W 55. C’est le premier projet examiné au cours de la séance : l’embarras des membres de la commission vis-à-vis du Souvenir Français transparaît dans l’énoncé très développé des motifs de rejet.

14 Pour l’anonyme qui signe « Un du Souvenir » dans un long article en première page du numéro de La Croix de l’Indre daté du 24 mai 1922 : « … Malheureusement ce poilu, nous l’avons bien demandé, mais nous ne l’avons pas obtenu de notre cher artiste berrichon [Nivet ?]. Quand la réalisation de notre rêve sembla devenir possible, il nous fut parlé de sommes si importantes que le Souvenir Français court encore avec son escarcelle habituée aux gros sous… »

15 Jean Sajous (1877-1940), sculpteur actif à Châteauroux entre 1910 et 1932 : il intervint à divers stades de la construction de quatorze monuments aux morts dans le département.

16 Un plan sur bleu du second projet a été conservé : voir AMC, 2 M 58 déjà cité. Le décret du Président de la République, Alexandre Millerand, est du 29 novembre 1921 (AD36 2O/044/11 ; AMC 2 M 58).

17 Le matin on avait célébré à Saint-André une messe de Requiem chantée.

18 Dans les cimetières, on le sait, une tolérance s’appliquait à la présence de signes religieux (circulaire du ministère de l’Intérieur du 18 avril 1919).

19 Une interprétation moins édulcorée est donnée dans l’article de La Croix de l’Indre du 24 mai 1922 : on peut difficilement méconnaître l’inspiration chrétienne de l’ensemble, qui coïncidait avec les vues de la délégation locale du Souvenir Français qui comptait alors dans ses rangs un grand nombre de catholiques ; les manifestations qu’elle organisait sont évoquées régulièrement dans La Croix de l’Indre et la Semaine religieuse du diocèse de Bourges.

20 L’épée (associée à une représentation figurée ou inscrite sur une croix) est un des symboles que le Souvenir Français a largement utilisé avant et après la Grande Guerre.

21 AD36, M 3778 et récits dans la presse.

22 Voir le début de l’article du Journal du Département de l’Indre des 29-30 mai 1922.

23 AMC, 1D45, déjà cité.

24 Jules Amirault (1868-1942), avocat, exerça les fonctions de maire de Châteauroux de 1919 à 1925. Il était, à titre personnel, favorable au choix du cimetière, car, comme il le dira au cours d’une discussion ultérieure :

« De la dernière guerre il reste surtout des deuils et des pleurs, c’est pourquoi je trouve que le cimetière serait particulièrement bien choisi pour servir de cadre à ce monument. » (AMC, 1 D 47, délibérations municipales, 22 novembre 1924). Bon gestionnaire, il était aussi économe des deniers publics.

25 Le détail de la composition de ces convois est donné dans deux liasses importantes aux AD36, 791W118 et 791 W 119.

26 Journal du Département de l’Indre, très régulièrement à partir du 17 mars. La Croix de l’Indre donne les comptes rendus de services religieux associés à la restitution des corps.

27 Jules Amirault était un admirateur de Nivet de longue date : il lui avait consacré un article dès 1897 dans le Journal du Centre (mercredi 28 avril 1897). Il connaissait peut-être par son frère le projet de monument aux morts de Maurice Boille (1883-1966) pour le cimetière Lassalle de Tours (cf. Catalogue de l’exposition Sculpture en Touraine, Promenade autour de cent œuvres, conseil général d’Indre-et-Loire, 2014, notice p. 108-109).

28 Archives de la famille du sculpteur : deux clichés 12,3 x 15, 5 cm sans date.

29 « Le Conseil Général se montre réfractaire aux avances qu’officieusement nous lui avons faites » (Jules Amirault, 18 août 1923). D’autres tentatives plus officielles échouèrent en 1924, 1925 et 1928. Si certains de Châteauroux (voir par exemple l’échange de propos lors de la séance du 24 septembre 1924 au conseil général).

30 AMC, 1 D 46, délibérations municipales, 18 mai 1923, questions diverses (p. 178-9). On trouvera sur la base Palissy du ministère de la Culture une fiche consacrée à cet aménagement du grand escalier de l’Hôtel de ville de Tours par le sculpteur Marcel Gaumont (1880-1962).

31 AMC 15 Fi 1-2 et 1 Fi 97.

32 Délibérations municipales du 23 octobre 1923, point n° 15 et discussion : « M. Nivet m’a expliqué, indique le maire, qu’il fallait compter un mois de travail pour la mise au point de chaque personnage. Or un metteur au point ne gagne pas moins de 50 f par jour… » (p. 256-9) ; les devis successifs figurent aux archives municipales de Châteauroux, ainsi que tout ce qui concerne la gravure des noms. La réception définitive des travaux est datée du 11 décembre 1925.

33 Cf. loi du 25 octobre 1919 et circulaire du ministre de l’Intérieur aux préfets du 20 octobre 1923.

34 Lettre de M. le Préfet de l’Indre au maire de Châteauroux accusant réception du dossier le 8 janvier 1925 (AMC, dossier non coté « monument aux morts de la Ville 1914-1918 »). Les éléments du dossier avaient été réunis à la hâte dans les premiers jours de janvier 1925 (AD36 2O/044/11).

35 La place Voltaire, la place Saint-Cyran, la place de la Mairie avaient été citées au cours des discussions. Certains tenants d’un espace central et neutre voulaient aussi isoler le monument du tumulte de lieux trop fréquentés à l’occasion des marchés.

36 AMC, 1 D 47, délibérations municipales, 22 novembre (p. 17-20), 29 décembre 1924, point 15 (p. 63-4), 12 février 1925 (p. 92-94), AD36 827 W 55 et 2O/044/11 (le dossier avait été envoyé le 5 janvier 1925). Dans les débats on remarque l’attitude résolument à contre-courant du conseiller Edmond Augras qui déclare de manière provocante : « Ceux qui sont morts n’ont jamais réclamé de monument. » ou encore : « Ces monuments érigés sur les places où se donnent généralement des fêtes publiques ne sont souvent que des prétextes à discours et ne servent qu’à glorifier la guerre. »

37 Une liste du « Cartel des Gauches » l’emportait et l’ancien maire (de 1900 à 1908) et député Joseph Bellier (1854-1936) succédait à Jules Amirault qui avait refusé le programme du Cartel.

38 AMC, 1 D 47, délibérations municipales, 18 juillet 1925 (p. 178-181).

39 Le Gargaillou n° 2 septembre-octobre 1932, article de Maurice Dauray (= Maurice Brimbal), p. 79, qui vise les socialistes de la municipalité Bellier.

40 Journal du Département de l’Indre, 19 juin 1932, p. 2, article signé E[rnest] G[aubert].

41 La maquette des deux femmes de part et d’autre d’un tombeau a été acquise par le musée de Châteauroux. Celle des Pleureuses a disparu mais on en a une photographié sur plaque de verre. Maurice Dauray, dans un article du Gargaillou de décembre 1932, évoque une « maquette primitive [qui] comportait, aux pieds des femmes, le corps d’un soldat mort, qui fut retranché par la volonté du sénateur Leglos ».

42 Journal du Département de l’Indre, 29 avril 1923, article signé « A.L. ». A son tour, le 26 juillet 1923, le Centre Républicain publiait « Une heure chez Nivet », un article signé Georges Lubin, le futur éditeur de la correspondance de George Sand (1904-2000).

43 ADI 764 W 49, séance du 25 avril 1923. Lors de cette séance, les conseillers se rallièrent sans discussion à l’opinion du rapporteur, M. Leglos (1864-1924), sénateur et conseiller général du canton de Mézières-en- Brenne, tant en ce qui concerne la maquette que l’emplacement, le terre-plein de la Préfecture. En 1924, après la disparition de M. Leglos, le choix de l’année précédente fut confirmé et un crédit de 15 000 francs fut voté (AD36 764 W 49).

44 La place de la Préfecture avait reçu ce nom à l’issue d’une délibération municipale du 26 novembre 1918.

45 ADI, 764 W 49 : Séances du conseil général des 29 et 30 septembre 1926. Le choix définitif des Pleureuses

est acquis par 13 voix contre 4.

46 Le Nouveau Berry, 8 janvier 1933, article signé « Yaya le Miséricordieux », pseudonyme de Jean Clément (1885-1948).

47 AD36, 764 W 49 : Devis estimatif (sans date) dressé par L. Suard pour un montant de 100 000 francs, dont 85 000 pour la maquette, la mise au point des personnages ; vote par la commission départementale du 13 octobre 1928 de 85 000 francs au budget supplémentaire ; marché de gré à gré du 12 juillet 1928, approuvé par le conseil général le 13 octobre 1928.

48 Journal du Département de l’Indre, 21 septembre 1929, article son signé.

49 Maurice Dauray, Le Gargaillou, septembre-octobre 1932, p. 79-81.

50 AD36, 764 W 49 : dépense de 10 000 francs pour la grille votée par le conseil général le 31 octobre 1931.

51 Le Gargaillou n° 75, déjà cité.

52 Journal du Département de l’Indre, Courrier du Centre, 7 novembre 1932, et aussi Echo des Marchés, 10 novembre.

53 Journal du Département de l’Indre, 20 novembre 1932.

54 Le Journal du Département de l’Indre du 25 novembre, Le Gargaillou n° 90, de novembre 1932, (p. 95) évoquent une concertation en novembre, suivie quelque temps plus tard d’une première réunion du Comité en question, le 1er décembre.

55 Journal du Département de l’Indre, 31 décembre 1932, 17 janvier 1933, Le Département, 31 janvier 1937.

56 AMC, 1 D 51, délibérations municipales, 10 mars 1933 (p. 44-5). Dans un article du Gargaillou intitulé

« Seigneur gardez-moi de mes amis » (n° 91 de décembre 1932, p. 116-7), Maurice Dauray se moque de la prétention de vouloir faire produire à un artiste trois chefs-d’œuvre sur commande.

57 AMC, 1 D 51, délibérations municipales, 15 novembre 1933 (p. 135) : l’opposition venait de L. Deschizeaux, député de l’Indre, qui concluait son intervention en disant : « Dans l’état actuel de la crise, il y aurait mieux à faire pour utiliser les 50 000 francs supplémentaires demandés. » Une fois de plus c’est Patureau-Mirand qui emporta la décision.

58 La liste des premiers souscripteurs avait été publiée dès le 14 janvier 1933 (Journal du Département de l’Indre à cette date).

59 AMC, 1 D 51, délibérations municipales, 2 mars 1934 (p. 227-8).

60 AD36 2O/044/11.

61 Pour trancher la question on installa un châssis en bois aux dimensions du monument aux divers endroits qui avaient été suggérés dans les discussions antérieures. On en tira la conclusion que le groupe serait le mieux à sa place au centre et non plus à l’extrémité nord de la place La Fayette, quitte à déplacer une fontaine offerte naguère à la ville (Journal du Département de l’Indre du 21 novembre 1934.

62 AMC, 1 D 51, délibérations municipales, 20 avril 1935, Questions diverses (p. 482). La date paraît peu crédible, mais il s’agissait de garantir le sculpteur contre une nouvelle décision du conseil municipal à la veille d’une consultation électorale.

63 Journal du Département de l’Indre, 27 avril 1935.

64 Centre Républicain avait publié au 17 août 1935 les montants des quatre premières listes de souscripteurs (en diminution régulière) dont le total était alors de 23 020 francs.

65 Le devis des travaux d’architecture, daté du 16 septembre 1935, après réduction s’élevait à 45 000 francs (AD36 2O/044/11 devis et cahier des charges).

66 AMC, 1 D 51, délibérations municipales, 11 et 12 octobre 1935, point 34 (p. 107-8).

67 AMC, 1 D 51, délibérations municipales, 11 décembre 1935, point 11 (p. 124-5) ; 25 janvier 1936 (p. 171).

68 Le mieux disant fut l’entrepreneur Jean Lamy, 10 rue de Buzançais pour un montant de 38 186, 91 francs, mais le décompte du 26 octobre 1937 fait apparaître un dépassement de 3 317, 04 francs.

69 Le Département, mardi 22 décembre 1936. Voir aussi 23 décembre 1936. L’ensemble des opérations s’acheva le 25 décembre en fin de matinée.

70 Voir Archives Gaumont-Pathé et aussi film d’amateur 16 mm sur mémoire.ciclic.fr.  

Annexe : Déroulement de la cérémonie d’inauguration du monument aux morts de Châteauroux, le 31 janvier 1937 d’après les articles de la presse nationale et locale

9 h : Messe à l’église Saint-André présidée par Mgr Fillon, archevêque de Bourges qui prononce l’homélie.  

  • 30 – 10 h : Sur le front des troupes de la garnison (cinq compagnies du 14e Régiment de Tirailleurs algériens, deux sections de sous-officiers de la 32e escadre aérienne) installées place Voltaire, réception venant de Tours du drapeau du 90e RI et de sa garde d’honneur. Prise d’armes et remise de décorations par le Général Maratuech. 
  • 33 : Arrivée à la gare de M. Yvon Delbos, ministre des Affaires étrangères, reçu par le préfet de l’Indre, M. George, et les autorités municipales. Accueil des délégués des Anciens Combattants français et étrangers. 
  • 45 : Le cortège officiel se rend en automobiles au cimetière Saint-Denis pour un dépôt de gerbes au monument du Souvenir français et sur celui des allemands décédés en captivité. 
  • 15 : Réception du ministre par la Fédération radicale et radicale-socialiste locale (succession d’allocutions de parlementaires) à la salle des fêtes de la rue Diderot, réception des Anciens combattants à la Chambre de Commerce et d’Industrie. 
  • 45 : Vin d’honneur offert à l’Hôtel de Ville pour le ministre et les représentants d’Anciens Combattants (discours du maire et réponse du ministre). 
  • 15 – 14h. 10 : Déjeuner de 700 couverts organisé dans les locaux du garage Lauvergnat, rue Nationale, décoré pour la circonstance. Plusieurs discours sont prononcés au moment du dessert. 
  1. 14 h : Départ de différents cortèges (enfants des écoles - pompiers, délégations de médaillés et officiers, sous-officiers, sociétés sportives – police, harmonie municipale, drapeaux, autorités) en direction de la place La Fayette.

14 h. 45 : Exécution de La Marseillaise tandis que le monument est dévoilé par deux enfants costumés en berrichons. Libération de quatre pigeons voyageurs. Les enfants des écoles sous la direction de M. Barbillat interprètent un chœur sur les paroles de V. Hugo « Ceux qui pieusement… ». A partir de 15 h : Discours de l’abbé Depond, président des A.C. de Châteauroux, de M. Perrod, président de l’association des Grands Mutilés de Guerre de Châteauroux, des délégués étrangers, de Louis Deschizeaux, maire de Châteauroux, de M. Rivollet, ancien ministre des Pensions, du ministre des Affaires étrangères enfin.

16 h. 15 : Dépôt de gerbes devant le monument.

16 h. 30 : Défilé des troupes qui regagnent ensuite la caserne par la rue Victor-Hugo et la rue de la République. La foule vient contempler le monument.

A la tombée de la nuit trois projecteurs embrasent le monument.  

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Date de modification : 10 décembre 2022

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