Le patrimoine mémoriel des guerres

Inventaire des monuments aux morts du Rhône et de la Métropole de Lyon

Céline Cadieu-Dumont, conservateur du patrimoine,
Responsable de la Conservation du patrimoine du Rhône
Archives départementales et métropolitaines

juillet 2015

Pour la région Rhône-Alpes, et ses 2882 communes, 1688 fiches ont été créées dans la base de données de Lille 3. Parmi celles-ci, 366 fiches sont relatives aux monuments des 293 communes du Rhône (Lyon comptant comme une unique commune), soit 21,6% du total des fiches régionales.

Toutes les fiches sont en cours de révision/complément par la Conservation du patrimoine du Rhône, un service dépendant des archives départementales et métropolitaines, qui travaille sur le sujet en collaboration étroite avec les équipes de l’université de Lille 3.

Quel point d’étape pouvons-nous faire de l’avancée de ce vaste chantier, initié fin 2014 ?

Sur les 366 fiches du Rhône (Métropole incluse) 351 concernent des monuments situés dans les communes et 15, dans les neuf arrondissements de Lyon.

S’il est encore top tôt pour présenter des axes d’études aboutis sur le sujet, nous pouvons d’ores et déjà tenter de répondre à quelques questions qui permettront de dresser à grands traits un (premier !) panorama de la situation des monuments aux morts dans le département du Rhône et sur le territoire de la toute récente métropole de Lyon.

Combien de monuments commémorant 1914-1918 ?

350

Attention, certains monuments ont pu être érigés bien après la Première Guerre mondiale et les noms des morts rapportés. C’est toutefois cette catégorie de monuments qui a retenu notre attention.

Dans chaque commune, où est situé le monument aux morts ?

Sur ces 350 monuments, 24 sont situés dans les églises (soit 6,8 %) : 20 dans l’église paroissiale et 4 dans des églises lyonnaises.

À noter : 1 seule commune a son monument dans l’église uniquement : Saint-Laurent-de-Vaux.

114 communes (soit 32,5%) ont leur monument dans l’enceinte du cimetière ou à proximité immédiate (118 monuments sont dans le cimetière, y compris 4 monuments concernant Lyon) ;

74 monuments (soit 21 %) sont près de l’église ; 78 monuments (soit 22 %) sont sur une place ; 37 monuments (soit 10,5 %) sont dans une rue ; 20 monuments (soit 5,7 %) ont une localisation « autre », par exemple, dans un jardin public à l’Arbresle et Moins ; on trouve aussi des plaques commémoratives sur le mur de la mairie (par exemple Collonges-au-Mont d’Or, Champagne-au-Mont d’Or), dans la salle des fêtes municipale (Craponne), dans la mairie (Emeringes).

Les entourages d’obus ont-ils résisté aux modifications urbaines ?

On note 110 monuments (soit 31,4 %) entourés d’obus : nous ne pouvons pas encore dire combien de monument étaient entourés d’obus à l’origine, des recherches documentaires s’avérant nécessaires.

Quels morts sont mentionnés sur le monument ?

350 monuments portent les noms des morts pour 1914-1918. C’est cet ensemble qui retiendra notre attention par la suite, notre projet d’inventaire et d’étude répondant à une demande de travail mémoriel en lien avec le centenaire de la Première Guerre mondiale. Des projets de valorisation seront élaborés pour 2018.

56 monuments (soit 16%) portent les noms des morts de 1870-1871, mais seulement 4 sont des monuments identifiés comme cantonaux. Ce chiffre est surprenant lorsqu’on sait que la loi de 1890 laissait aux communes la liberté d’honorer ou non les morts de ce conflit.

263 monuments portent les noms de morts pour 1939-1945 ;

68 monuments honorent les morts de la guerre d’Indochine et 97 ceux de la guerre d’Algérie, bien plus meurtrière pour la population du Rhône.

Quelle est la nature des monuments ?

Sur les 350 monuments dédiés à 1914-1918, 313 sont communaux (soit prés de 90 %), 21 sont paroissiaux (tous dans des églises), 2 sont des monuments de quartier, à Lyon ;

5 sont spécifiques : caveau des poilus musulmans à La Mulatière, cimetière des poilus anglais à Saint-Germain-au-Mont d’Or, carré militaire des soldats italiens morts en France au cimetière de la Guillotière (Lyon 7e arr), monument à la famille Chapet-Rodet dans l'église Saint Antoine de Gerland (Lyon 7e arr.), monument aux membres de la Fanfare (Craponne), monument aux morts de la ville d’Oran (déplacé à La Duchère, Lyon 9e).

A noter les 4 monuments cantonaux pour la guerre de 1870-1871 (Le Bois d’Oingt, Vaugneray, Limonest et Villefranche-sur-Saône).

Quelle est la forme des monuments ?

164 obélisques sur socle (soit 46,8% des monuments) : ce choix esthétique semble répondre à des critères d’ordre économique avant tout.

33 plaques commémoratives (soit 9,4%) ;

29 stèles (soit 8,2%).

A noter que la loi de Séparation de 1905 a fortement marqué le Rhône : 7 monuments (soit 2%) sont des croix monumentales ; tous sont situés dans le cimetière, sauf un (à Vernay) : une croix accompagne une borne. Mais ces deux éléments sont-ils contemporains ? Des recherches dans les archives permettront de répondre.

61 ont des représentations de poilus (soit 17,4%) : 6 ont la statue en pied du poilu d’E. Camus (Toulouse, 1867- ??) (Ancy, Haute-Rivoire, Yzeron, Joux, Pont-Trambouze et Poule-les-Echarmeaux)

32 (soit 9,1%) ont des sculptures de femmes (représentant une pleureuse, une paysanne, la Nation, la Victoire ou la République).

Quels sont les éléments décoratifs les plus courants ?

167 (soit 47,7%) ont une croix de guerre ;

163 (soit 46,5 %) sont ornés d’une palme ;

92 (soit 26,2%) sont ornés d’une croix latine, dont 17 dans une église et 75 sur l’espace public ;

47 monuments (soit 13,4%) sont ornés d’un coq gaulois (en bas-relief ou sculpté, au sommet ou non) ;

6 monuments (soit moins de 2%) sont ornés de grappes de raisin.

À noter : le monument de Curis-au-Mont d’Or, en forme de croix latine monumentale ornée d’une croix de guerre.

Des artistes identifiés ?

Le constat que nous faisons n’est que provisoire et s’appuie essentiellement sur l’examen visuel des noms gravés sur le monument. Les recherches documentaires permettront d’approfondir cet axe d’étude.

Actuellement, on note que 50 monuments (soit 14,2 %) portent la signature du sculpteur dont 3 pour les monuments situés dans une église : donc 47 monuments communaux sont signés, dont 7 à Lyon.

14 marbriers sculpteurs sont identifiés (tous hors de Lyon), et 18 marbriers (tous hors Lyon) ; 18 architectes sont identifiés dont 3 pour des monuments situés à Lyon.

On remarque la faible part des monuments signés.

Chronologie du monument ?

Quelques inscriptions gravées permettent de dater le monument : 1919-1921 semble la période la plus intense. Les recherches dans les archives permettront de dresser l’économie du monument.

Quelques spécimens :

Le monument pacifiste de Dardilly (Félix Dumas, 1882-1965) ; du même sculpteur, le monument de Jullié ;
le monument mosaïqué d’Anse (J.Mora, mosaïste à Lyon) ;
le monument de Villié-Morgon (Joanny Durand, 1886-1955, Loire) avec femmes et enfants ;
l’influence antique dans les monuments de Ville-sur-Jarnioux, Sathonay-Village, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or ;
des monuments récents, qui traduisent la volonté des élus contemporains d’honorer le souvenir des morts de la Grande Guerre mais qui n’entrent pas dans nos centres d’étude : il s’agit essentiellement de pièces de granit rose ou gris gravées (Saint-Symphorien d’Ozon, Poleymieux-au-Mont d’Or, Saint-Laurent-de-Chamousset, Sérézin-du-Rhône, Ranchal, Pommiers, Chénelette, Saint-Appolinaire, Saint-Cyr-le-Chatoux, Larajasse).

Conclusion : un grand merci à tous ceux qui collaborent à ce projet d’inventaire dans le Rhône. Une fois la couverture photographique terminée, les recherches dans les archives, et notamment les registres de délibérations du Conseil municipal, vont commencer : avis à toutes les bonnes volontés !

En cas de besoin, les Archives départementales et métropolitaines sont disponibles pour répondre à vos questions (archives@rhone.fr ; 04 72 35 35 00)

Les axes d’étude qui vont être approfondis sont en cours de réflexion, avant d’être proposés au comité scientifique, composé de chercheurs, de conservateurs et d’universitaires, qui assiste la Conservation du patrimoine du Rhône dans ce projet. Nous constatons que les noms et vies des poilus sont généralement étudiés par les généalogistes avec beaucoup de sérieux et d’implication et nous leur laisserons ce domaine de recherches. Nous envisagerons plutôt une approche stylistique des monuments en tant qu’objet patrimonial. La population des marbriers, sculpteurs et artistes reste également un univers à découvrir. Affaire à suivre !

Date de modification : 30 juillet 2015

Partager sur