Le patrimoine mémoriel des guerres

Création et inauguration du monument aux morts de Cayenne, « capitale » de la Guyane française

Création et inauguration du monument aux morts de Cayenne, « capitale » de la Guyane françaiseVirginie Brunelot
De 1915 à 1918, 1100 natifs de la Guyane, « vieille » colonie française, partent en France pour participer à la Première guerre mondiale. 255 Guyanais sont morts au combat ou de maladie, dont 128 hommes nés à Cayenne [1].

La loi du 24 octobre 1922, promulguée en Guyane le 3 novembre, instaure le 11 novembre comme Jour du Souvenir. À Cayenne, c’est l’occasion d’inaugurer le monument aux morts dédié à la mémoire des Guyanais (et pas seulement des Cayennais) morts sur les fronts occidental et oriental.

Le Journal officiel de la Guyane française relate l’événement :

« Le samedi 11 courant [novembre] a eu lieu place du marché, l’inauguration du monument élevé par souscription publique, à la mémoire des Guyanais morts pour la patrie pendant la guerre de 1914-1918.
Ce monument composé d’une pyramide de près de 5 mètres de haut, surmonté d’un coq chantant, porte sur une de ses faces, en bronze, plusieurs allégories militaires, ainsi qu’une plaque en marbre, avec l’inscription suivante :

Guerre de 1914-1918
La Guyane à ses morts
Pour la patrie » [2]
Malgré la pluie, la population est présente pour accueillir les autorités militaires et civiles (gouverneur de la colonie en tête), les Anciens combattants, les élèves des écoles, les représentants des trois loges maçonniques de Guyane. Chant patriotique, discours officiels et dépôt de gerbes ponctuent cette cérémonie d’hommage.

Le monument, drapé des couleurs tricolores, est dévoilé pendant le discours d’Hyppolite Baculard, Vénérable de La Guyane républicaine, car il a la particularité d’avoir été érigé à l’initiative des trois loges maçonniques de Guyane, qui jouent un rôle caritatif et mémoriel dans la colonie.

Au cours de son discours, Hyppolite Baculard désigne le maire de Cayenne comme « le gardien vigilant [du monument] qui, dans sa simplicité, représente tout ce que la Guyane possède de pieuse reconnaissance pour la France, d’amour sincère pour la Patrie du droit et de la justice ».

Le monument aux morts est placé près du marché, dans un square créé pour l’occasion, dénommé plus tard Place du Coq, en référence au coq qui surplombe le monument. La plaque portant les allégories militaires porte la signature de « Sanchez 1920 » ; elle est fondue au Val d’Osne, fonderie de Haute-Marne qui produit de nombreux monuments aux morts dans les années 1920.

Dans ses mémoires non publiées, Émile Brunet nous apprend que le 11 novembre 1924, les Anciens combattants ont ajouté les quatre obusiers allemands placés aux angles du monument aux morts.

Aucun nom de Guyanais n’est inscrit sur le monument jusqu’en 2009. Cette année-là, la municipalité de Cayenne prend l’initiative d’apposer trois plaques « guerre 1914-1918, Cayennais morts pour la France, » sur le socle du monument. La liste des 123 noms gravés a été puisée dans le Livre d’or du contingent de la Guyane française [3] qui révèle de nombreuses erreurs : oublis de Cayennais, hommes natifs d’une autre commune de Guyane ou des Antilles, hommes non déclarés décédés, erreur sur le patronyme.

Depuis 1922, les cérémonies de commémoration à Cayenne se déroulent autour de ce monument aux morts mais il en existe un autre, situé au cimetière de la rue d’Estrées.

Il semble être édifié après le retour des restes mortels de deux soldats guyanais. À cause des difficultés et du coût de transport entre la France et la Guyane, très peu de corps ont été rapatriés. Le monument est composé de trois cippes empilés, séparés par un chapiteau qui confère au monument, une forme pyramidale. Une palme décore l’une des faces. Trois noms sont gravés : Eugène Pindard, Ulysse Chauvet et Victor Charlery qui n’est pas mort à la guerre 14-18 mais en 1920, au Tonkin.

Une cérémonie d’hommage est rendue aux soldats morts pendant la guerre, devant ce monument, le 2 novembre 1928.

D’autres traces d’hommages rendus à la mémoire des soldats Guyanais sont présentes à Cayenne.

En 1921, des rues sont rebaptisées au nom de soldats de Cayenne morts pendant la guerre : lieutenant Becker, lieutenant Brassé, lieutenant Goinet, adjudant Pindard, capitaine Bernard [4]. Mais en 1924, les plaques des rues ne sont toujours pas changées et la presse interpelle le maire sur le sujet.

En 1922, les loges maçonniques posent une plaque « aux glorieux soldats » au collège de la ville et une dans le temple de la loge cayennaise, en souvenir des Frères guyanais morts à la guerre.

  

 [1] Sept d’entre eux n’ont pas été mobilisés en Guyane. Ils sont nés à Cayenne « par hasard », à cause de la présence en Guyane de leur père, fonctionnaire colonial.
[2] JOG du 18 nov 1922, p.482
[3] Livre d’or du contingent de la Guyane française à la grande guerre, 1914-1918. Imprimerie B. Guégan, 1923
[4] Dans les années 1960, cette dénomination est redonnée à une portion de rue nouvellement créée.

Date de modification : 4 février 2014

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